épisode 4: prospection et satisfaction

Episode5 : webcam et rétine

Trois conditions sont primordiales pour du ciel profond.
Un ciel dégagé bien sûr, l'absence de pollution lumineuse – ce qui est le cas à Aït M'Hammed comme expliqué précédemment – et une Lune discrète.

Alors quand elle est là Madame Séléné, faut l'accepter, l'admirer et pourquoi pas photographier ?
Une nouveauté pour moi que de laisser une webcam regarder à ma place !
Même si je trouve la vue en direct plus belle, plus émouvante, les possibilités en astrophoto sont devenues si intéressantes que cela vaut absolument la peine de s'y atteler.
Et après tout, un centre d'astronomie se doit le plus polyvalent possible : aspects théoriques et mise en pratique, instruments sur équatoriale comme des dobsons, du ciel profond comme du planétaire, du visuel et de la photo…pas besoin de choisir, on peut tout faire!

Nul besoin d'aller sur le terrain pour l'astrophoto planétaire, au contraire, c'est bien plus facile de faire une séance webcam chez soi, sans devoir trimballer instruments, ordinateur, batterie etc…



Voici venu le temps pour moi de mettre mon « bagage théorique », acquis en lisant les topics photo et traitement de webastro, sur le banc d'essai.
Les logiciels sont téléchargés (QCFocus, Registax, iMerge), les webcams fonctionnels, la préparation psychologique menée à fond.
Oui oui ! Ce n'est pas un simple « clic » l'astrophoto, un grand nombre d'images sont optimisées, superposées, traitées.
Faut travailler (c'est bien le mot) avec méthode, s'attendre à pas mal de déconvenues, ne pas s'énerver quand l'ordi ne comprend pas ce qu'on voudrait qu'il fasse, quand la cible part sans permission, quand on se prend les pieds dans les câbles, quand on se cogne sur la monture soigneusement mise-en-stationnée, quand un nuage vient perturber l'acquisition, quand le disque dur arrive à saturation…

C'est une discipline l'astrophoto ! Loin de la désinvolonture dobsonnienne, loin de l'astronomie contemplative sans soucis…très loin.
C'est justement là que se trouve le défi, le plaisir de le relever et la satisfaction d'avoir obtenu SA première Lune, SA première Jupiter.

Le plaisir de continuer et faire mieux, bien mieux avec SES premières vues détaillées, SES premières bandes de la géante gazeuse, d'enfin comprendre quelques trucs et d'améliorer ou bricoler un adaptateur qui s'adapte, de trouver une méthode d'acquisition qui acquière, de traitement qui traite, de compositage qui compose...
Le plaisir et la fierté (oui, j'avoue que je le suis) de montrer SES résultats.
En effet, des photos, on en trouve à la pelle sur le web, des bien plus détaillées, jolies, flatteuses, mais ce sont les VOTRES qui vous plaisent le plus !

Alors voici un patchwork de ce qui est sorti de la boîte :



Ah, cette Jupiter, que de « souffrance » pour ce vague résultat.
Il ne faut pas oublier qu'elle tourne vite, très vite la boule à la tache rouge.
Une rotation de l'ordre de 10 heures terrestres, ça file et défile à toute allure sur le capteur.
Impossible de prendre son temps et chipoter pour l'acquisition en variant le gain par ci, le contraste par là, passer du N&B vers la couleur etc…la rotation devient visible au bout de 2 minutes et il n'est plus possible de superposer les images ainsi obtenues.

Il en faut de la patience (et persévérance) avant d'obtenir quelque chose de montrable, de potable.
Je ne sais plus quelle nuit de Lune présente, les conditions pour l'astrophoto étaient très bonnes : un ciel légèrement voilé mais d'une stabilité exceptionnelle.
Jupiter était ciselée en fine orfèvrerie, l'image était d'une rare beauté…des conditions où le taux de perte en astrophoto devrait être très faible.
Mais je suis resté scotché au dob T300, du 100% visuel qu'il me fallait, de l'astrophoto fixé sur les synapses de ma mémoire.
A première vue, les 4 galiléennes sont alignées à l'Est de la planète.
Mais la troisième semble de nature différente : plus bleutée que les autres.
En outre elle reste petite lors d'un passage au grossissement supérieur, tandis que les lunes gagnent en taille apparente.
C'est une étoile ! Mais alors il y en a une des 4 qui est en occultation ou en passage ?
Le programme Coelix m'apprend qu'il s'agit d'un passage de Io, hop observation à 300x avec l'oculaire Vixen LV5 ou 150x avec la tête bino
.
L'ombre de la lune galiléenne se détache nettement, petit disque noir situé entre les bandes équatoriales et se déplaçant « lentement » vers l'Ouest.
Tout est relatif, que sont deux heures ? Une éternité dans un bouchon en plein soleil, toute une histoire ou alors le néant dans un cycle de sommeil…c'est aussi le temps qu'il faut à Io pour effectuer son passage.
Hormis quelques brèves pauses, un spectacle à ne pas rater.
Les subtiles nuances des bandes apparaissent alors avec plus d'évidence que lors d'un regard furtif.
Deux heures d'affilée peuvent sembler beaucoup mais ça passe vite.
D'autant plus que les aiguilles de la montre cosmique semblent accélérer leur mouvement au fur et à mesure que l'ombre s'approche du bord : c'est parce que quelque chose va se passer, qu'une singularité est sur le point de se produire.
Le disque noir s'étire et s'ovalise en descendant le gradient d'ombre perçu légèrement sur le bord.
En même temps, la grande tache rouge grimpe de l'autre côté.
A cet instant les choses se précipitent : la tache d'ombre disparaît progressivement dans le noir sidéral, laissant encore sur le disque illuminé une partie en forme de V, qui devient de plus en plus petite, puis, soudainement : rien, partie, évaporée…
L'absence de lumière a retrouvé sa vraie nature, le néant.

De retour à l'oculaire après une petite pause, la tache rouge progresse, mais mon attention est captée par celle qui vient, avec la complicité du Soleil, d'offrir ce spectacle : Io en personne.
Que je ne l'ai pas vue avant, est-ce parce que j'étais trop absorbé par l'image de son ombre ?
Ou alors qu'approchant à son tour la partie légèrement plus foncée du globe Jovien, elle se détache mieux par contraste ?
En tout cas, c'était magnifique et en parfaite complémentarité avec le spectacle précédant.
L'ombre disparaissait dans l'ombre, laissant un sentiment de vide.
Un vide comblé par l'apparition de cette lune, triomphe de la lumière.
Elle prenait de plus en plus d'éclat et donnait l'impression de décoller de la surface de Jupiter, tel une soucoupe volante qui rejoint son escadrille en surveillance autour de l'équateur.
Que c'était beau !
Déjà que j'étais amoureux du ciel profond et pas insensible aux charmes du planétaire, me voilà définitivement épris d'astronomie, même l'astrophoto.




A suivre…

Patte.


08/08/2009
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